Les Mangroves de Douala : Une Écologie en Péril et les Efforts de Conservation
Introduction
Les mangroves de Douala, situées dans l’estuaire du Wouri, représentent un écosystème crucial tant pour l’environnement que pour les communautés locales. Ces forêts côtières, qui couvrent plus de 203 000 hectares, abritent une biodiversité unique et jouent un rôle central dans la régulation climatique et la protection des littoraux contre l’érosion. Cependant, elles font face à une dégradation rapide, causée par l’urbanisation galopante, la coupe illégale de bois et la pêche intensive. Cet article explore en profondeur l’importance des mangroves, les menaces auxquelles elles sont confrontées, et les initiatives de conservation en cours pour protéger cet écosystème vital.
1. Importance des Mangroves pour l’Écologie et l’Économie
Les mangroves de Douala sont bien plus qu’une simple forêt tropicale humide. Elles remplissent des fonctions écologiques essentielles :
- Séquestration du carbone : Les mangroves stockent de grandes quantités de carbone, contribuant ainsi à atténuer le changement climatique. Selon des études, les mangroves peuvent stocker jusqu’à quatre fois plus de carbone que les forêts terrestres.
- Protection des littoraux : Grâce à leur système racinaire dense, les mangroves empêchent l’érosion côtière et protègent les zones habitées des tempêtes et des marées.
- Biodiversité : Elles abritent une faune et une flore riches, y compris des espèces aquatiques essentielles à l’économie locale comme les crevettes, les poissons et les crabes. Elles servent de nurseries pour de nombreuses espèces marines, garantissant ainsi la survie des pêcheries locales.
D’un point de vue économique, les mangroves soutiennent les moyens de subsistance de milliers de personnes. Le bois de mangrove est utilisé pour la fumaison des poissons, une activité cruciale pour de nombreuses familles vivant dans la région. Cependant, cette utilisation du bois contribue également à la déforestation rapide, menaçant la survie même de cet écosystème.
2. L’État Actuel de la Dégradation des Mangroves
La déforestation des mangroves à Douala est en grande partie attribuable à la pression démographique, à l’urbanisation, et aux activités économiques non durables. Entre 1980 et 2006, environ 70 000 hectares de mangroves ont été perdus dans l’estuaire du Wouri, principalement en raison de la construction de routes, du développement industriel et de l’expansion des zones résidentielles.
La situation est particulièrement critique dans des zones comme Bonabéri, où la densité de population croissante a conduit à l’abattage massif des mangroves pour faire place à des projets d’infrastructure. En conséquence, les inondations sont plus fréquentes et la qualité de l’eau s’est détériorée en raison du manque de filtres naturels fournis par les racines des mangroves.
3. Impacts Environnementaux et Sociaux
Impact sur l’Environnement
La destruction des mangroves entraîne une série de conséquences néfastes pour l’environnement :
- Perte de biodiversité : La disparition des mangroves compromet la survie des nombreuses espèces animales et végétales qui dépendent de cet habitat. Les écosystèmes aquatiques, en particulier, subissent des perturbations majeures, ce qui entraîne une diminution des stocks de poissons et une perturbation des chaînes alimentaires.
- Aggravation du changement climatique : En plus de perdre leur capacité à séquestrer le carbone, la destruction des mangroves libère dans l’atmosphère le carbone stocké dans les sols et les arbres, aggravant ainsi l’effet de serre.
Impact Socio-économique
Les mangroves sont essentielles pour les communautés locales, notamment pour les femmes qui pratiquent la fumaison du poisson. En utilisant le bois de mangrove, elles alimentent une industrie de subsistance, mais ce modèle n’est pas durable à long terme. La disparition des mangroves menace aussi la pêche, qui constitue une source majeure de revenus et de sécurité alimentaire dans la région. La pêche, un pilier économique pour de nombreuses familles, est directement touchée par la dégradation des habitats marins.
4. Initiatives de Conservation et Projets Locaux
Face à la dégradation croissante, plusieurs initiatives locales et internationales ont vu le jour pour restaurer les mangroves et promouvoir leur gestion durable.
Le Projet CAMERR
Le projet CAMERR, lancé en 2020, est l’une des principales initiatives de restauration des mangroves au Cameroun. Ce projet vise à reboiser 1 000 hectares de mangroves et à renforcer la résilience des communautés locales grâce à des activités génératrices de revenus durables. Depuis son lancement, 232 hectares ont été reboisés et plus de 707 000 arbres ont été plantés.
Solutions Alternatives : Fours à énergie solaire
Une autre solution pour réduire la dépendance au bois de mangrove est l’introduction de fours à énergie solaire pour la fumaison du poisson. Ces fours permettent de réduire l’utilisation de bois et sont aussi plus sûrs pour les femmes qui pratiquent cette activité, en réduisant les risques d’exposition à des fumées nocives.
Engagement des ONG et du Gouvernement
Des organisations telles que la Cameroon Wildlife Conservation Society (CWCS) et le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) sont activement impliquées dans la sensibilisation des communautés à l’importance des mangroves et dans la lutte contre la coupe illégale de bois.
5. Comparaison avec d’Autres Régions
La situation à Douala reflète les défis rencontrés dans d’autres régions du monde. En Afrique de l’Ouest, les pays comme le Nigeria et la Sierra Leone sont confrontés à des pertes similaires de mangroves en raison de la croissance démographique et de l’exploitation des ressources. Cependant, des efforts globaux sont en cours pour inverser cette tendance. Par exemple, l’initiative Mangrove Breakthrough, lancée lors de la COP27, cherche à restaurer et à protéger les mangroves à travers le monde en réunissant gouvernements, ONG et communautés locales.
Les leçons tirées de ces expériences internationales peuvent servir de modèle pour les efforts de restauration au Cameroun. En outre, la coopération régionale peut renforcer la résilience des écosystèmes de mangroves à travers toute l’Afrique centrale.
6. Recommandations pour l’Avenir
Pour garantir la survie des mangroves de Douala, il est essentiel de renforcer les politiques de protection environnementale et d’améliorer la gouvernance locale. Voici quelques recommandations clés :
- Renforcer les lois contre la déforestation illégale : Les sanctions doivent être appliquées de manière rigoureuse contre la coupe illégale de bois dans les mangroves. Cela inclut des patrouilles régulières et une surveillance accrue des zones sensibles.
- Promouvoir l’écotourisme : Le potentiel des mangroves comme destination écotouristique peut être exploité pour générer des revenus pour les communautés locales tout en sensibilisant à l’importance de leur conservation.
- Impliquer les communautés locales : Les initiatives de reboisement et de gestion durable doivent inclure les populations locales afin de garantir leur succès à long terme. Les programmes éducatifs et de sensibilisation doivent être renforcés pour inculquer l’importance de la conservation des mangroves.
Les mangroves de Douala sont un écosystème d’une importance capitale, tant sur le plan environnemental qu’économique. Cependant, elles sont confrontées à une dégradation rapide qui menace non seulement la biodiversité locale, mais aussi les moyens de subsistance des communautés côtières. Les efforts de conservation, tels que le projet CAMERR, sont prometteurs, mais ils nécessitent une plus grande coordination et un soutien accru des autorités gouvernementales et des organisations internationales. En renforçant les politiques de protection, en encourageant les solutions alternatives et en impliquant les populations locales, il est encore possible de préserver ces forêts pour les générations futures.